[blockquote size= »full » align= »left » byline= »Sylvain Jaillet »]Bonjour à tous, voici un petit article technique, qui a pour but de partager mon ressenti concernant les performances en Micro. Bien évidemment, je ne prétend pas détenir LA vérité, mais les progrès que j’ai enregistré avec le Jumper, s’ils étonnent certains, sont probablement liés à la somme 4des expériences que j’ai de la voile en régate sur différents supports depuis plus de 25 ans, et à quelques saines lectures. Philippe Benaben, Champion du monde Micro et un des meilleurs français, à eu la gentillesse de m’apporter sa contribution.[/blockquote]

Pourquoi n’importe quel Micro (en général, et le Jumper, en particulier) peut « marcher » en régates.

On part du postulat que les bateaux respectent bien évidement point par point la jauge…

Y-a-t-il de mauvais et de bons micros ? Les architectes dessinent leurs bateaux en fonction d’un programme. On peut d’ores et déjà écarter les micros qui ont été conçus avant tout pour la croisière. Volume de coque, dessin du gréement, déplacement, leur interdisent de bien figurer en temps réel, même si ils n’excluent pas le plaisir de la régate.

En dehors de ceux-ci, le darwinisme de la course a sélectionné, au fil des décennies, les modèles de différentes générations qui concourent encore aujourd’hui sur le circuit : Neptune 550, Microsail, Protos Lucas et leurs cousins, Europa de différentes génération, protos polonais, plans Abrozej, l’ARTE… On réalise rapidement à la lecture des résultats, en France, que les performances des différents modèles sont globalement proches.Afficher l'image d'origine

Un modèle actuellement en vogue, fait néanmoins figure d’épouvantail. C’est LE micro à battre. J’ai nommé, le Flyer 550 de l’architecte polonais Leszek Gonciarz. Je ne résiste pas à la tentation d’en analyser la carène. C’est une (petite) révolution. On ne dirait pas, à le voir, car sa ligne, comme son pont, sont très éloignés de certaines excentricités polonaises plus ou moins récentes. La révolution vient de la ligne de carène arrière. Alors que depuis des décennies, les micros présentent des voutes rasantes, le tableau arrière du flyer surplombe l’eau de plusieurs dizaines de centimètres.

Dans l’esprit des navigateurs, des lignes arrières tendues sont la marque de la performance. Jean Marie Finot s’est fait le chantre des tableaux arrières immergés (lire ici). Mais si ceci fonctionne sur des bateaux légers et puissants inspirés de l’Open, la jauge Micro engendre plutôt des bateaux proches des série à restriction de feu l’IOR.

[blockquote size= »full » align= »left » byline= »Philippe Benaben »]les micros sont des bateaux avec une surface de toile très faible par rapport aux séries plus modernes (Class 40, mini 650, …) et donc leur carène très large et très puissante ne s’adaptent pas du tout à la modeste surface de toile (un chiffre pour fixer les esprits, le grand spi d’un 650 de série fait pas loin de 80m !). De plus, les régates micros se font de moins en moins en mer, avec des limite de vent basse (il est maintenant pas imaginable de régater avec plus de 25knt de vent établi) et sur des parcours bananes dans l’axe du vent. Donc nous avons des carènes beaucoup plus proche des IRC (sauf ceux pour courir la transquadra) ou IOR, pour maintenir une surface mouillée faible et une bon VMG au prés/vent arrière (mais pas de planning). Exit les carènes larges et puissantes à la mode Open pour faire du reaching comme les bateaux de course au large.[/blockquote]

Dans ces séries, une expérience a été menée à l’époque sur les pentes de voûtes par Guy Ribadeau-Dumas sur Rucanor Sport. (lire ici) Une expérience de voûte à pente réglable l’avait amené à constater qu’une voûte rasante n’apportait pas d’amélioration de performance, au contraire.

Revenons au Flyer. Ce tableau bien dégagé engendre des caractéristiques intéressantes. Il est court à la flottaison dans le petit temps, mais cela a peu d’incidence sur la performance, tant que la vitesse de carène n’est pas attente. Surtout, cela permet de diminuer la surface mouillée sur la longueur de flottaison, là ou l’on a toujours chercher à la diminuer par la largeur de flottaison, au détriment de la stabilité aux petits angles*. Ainsi, il n’est pas utile de dessiner une carène exagérément étroite en flottaison, ce qui permet de récupérer de la stabilité de forme. Dans le vent plus fort, la vague arrière s’inscrit dans la voute, et la longueur de flottaison devient maximale, sans que le nez du bateau ne plonge, comme sur beaucoup de Micro à voûte rasante.

Le Flyer et sa carène astucieuse (même si elle reprend des recettes anciennes) serait donc l’arme absolue pour gagner en Micro ? C’est aller un peu vite en besogne que de l’affirmer. Revenons en à la lecture des résultats. Je ne parlerai pas des équipages polonais, qui sont des quasi-professionnels de la régate. Restons en France et que constate-t-on ? Certains Flyer gagnent, les autres s’égrènent dans les classements, jusqu’au dernier tiers. Mais certains Neptune 550 gagnent aussi. On se souvient de Micro Mood, on suit Crijosan, Il furioso, Moutonne, pendant que d’autres sont à la pêche…Certains Microsail gagnent, Harluad, d’autres, beaucoup, ramassent les bouées…

Tout ceci démontre qu’un bateau ne gagne rien tout seul, un modèle de bateau ne « marche pas » plus qu’un autre. C’est l’équipage qui gagne et qui fait marcher son bateau. Si ça n’était pas le cas, la classe Micro aurait disparu depuis longtemps, ou aurait basculer vers la monotypie, comme nombre de séries à restriction dans le passé (On pense aux canetons à restriction, qui ont engendré le 505). Ce sont donc d’abord les bonshommes qui comptent. Réglage au port, préparation, technique de navigation, phase de départ, tactique (où on va sur le plan d’eau), placement (comment on se place par rapport aux autres bateaux), mental (on lâche rien, ou c’est foutu), et pour certains, capacité à tenir l’alcool et à récupérer le lendemain… déterminent réellement la performance.

Préparation et réglage au port

« Avant il marchait pas, maintenant, il marche », c’est bizarre, non ??!! » D’abord, tu reçois un bateau. Tu le grées et le mate. Première chose il faut régler le mat. D’abord, cela paraît évident, mais le mat doit être vertical sur le plan latéral ! On mesure les cotes de la tête de mat ou du capelage à un point fixe du bateau. Primordial, il faut régler la hauteur des barre de flèche symétriquement. L’idéal est que la barre de flèche se trouve à la bissectrice de l’angle entre la partie supérieure et inférieure du hauban. C’est le cas sur les Flyer.

Ensuite, il faut adapter les voiles, notamment la GV, au mat.  Si la Grand voile est volumineuse, un peu de préceintre (on relache les bas-haubans), sinon, mat droit. On peut avoir un réglage sur les bas haubans, pour adapter le volume de la GV aux conditions de vent. Personnellement, j’utilise un pataras, qui permet de cintrer le haut du mat et de garder la puissance en bas.

Troisième chose, la quète. Celle-ci détermine le caractère du bateau, mou, neutre, ardent. La théorie voudrait qu’on navigue constamment avec 5° de barre (lire Gutelle à ce sujet). De plus, certains aiment les bateaux qui « parlent » à la barre… et ben pas moi. Pour moi, un bateau, c’est un bout de plastique, ça obéit et ça ferme sa gueule. Donc, je règle la quète pour que le bateau aille droit. De plus, le safran devant se taire et faire ce qu’on lui dit, je lui met de la compensation. comme l’architecte l’avait dessiné, d’ailleurs… L’intérêt, c’est que, si par hasard, le bateau veut dire quelque chose, comme il ne dit rien d’habitude, il a juste à chuchoter…

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Le mat est régler, il y a maintenant le reste… Pour moi, un bateau qui marche est un bateau brillant et propre, extérieur, intérieur. Donc ponçage et polishage, peinture. Propre. Désolé de vous le dire, mais parmi les Micro, on trouve certains bateaux, même en régate, en bien piteux état. Philippe Benaben est très surpris d’être l’un des rare, voir le seul à nettoyer la carène de mon bateau après avoir 500km sur la route…Un effort s’il vous plait !

Un bateau qui marche possède un accastillage qui permet de régler sans efforts ni contorsion, et qui remplit son office même dans la brise. En ce qui me concerne, j’ai complètement repris le plan de pont du Jumper 2008, sur le modèle du Jumper 2009. Pourquoi le constructeur a-t-il pris la peine de refaire un moule de pont entre les deux ? Parce que la première version ne répondait pas au deux exigences ci-dessus (notamment la deuxième…). La console se pliait dans la brise et les taquets sautaient les uns après les autres.

Je pense qu’il ne faut pas multiplier les réglages. Le Flyer est un modèle de ce point de vue. Ne pas installer des réglages dont on ne se servira pas. Quand je vois certaines usines à bout… Il est plus important de regarder le plan d’eau, souvent fantasque par chez nous, que le catalogue de la Redoute des réglages du bateau. Certains réglages me semblent intéressants à partager. D’abord, je tire en deux brins sur l’écoute de GV, en bout de bôme. C’est suffisant y compris dans la brise. Le taquet est sur la bôme, pas de tourelle. Une pantoire arrière réglable a été installée. Elle permet d’ouvrir la voile dans le petit temps, tout en ayant une bôme axée. Cela donne un appui incroyable. Le hâle-bas est puissant, tire en douze brins, et est réglable depuis chaque bord. C’est utile dans toutes les conditions.

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Un petit mot sur la voile à corne…  On la trouve sur les Flyer, Jumper, certains l’ont adoptés puis en sont revenus. Alors, marche, marche pas ? En principe, selon Gutelle, la forme en plan la plus efficiente en matière de rapport portance / trainée est la forme elliptique, la plus pauvre, la forme triangulaire. Le rectangle est un bon compromis. Donc ça doit marcher…

[blockquote size= »full » align= »left » byline= »Philippe Benaben »]Une GV à corne est plus performante qu’une GV triangulaire car d’une part, on gère beaucoup mieux le vrillage. La différence de vent apparent, l’absence de foc en haut, font qu’il faut un vrillage significatif par petit temps et médium qu’on ne sais pas atteindre avec une GV triangulaire. D’autre part, par vent fort, cette capacité à vriller permet de réduire la puissance en haut. Le creux en bas ne fait pas gîter. Il faut alors aplatir le haut (tirer sur les haubans ou mieux sur le pataras, mais pas mollir les bas-hauban) et faire vriller la GV ou effacer le haut (pareil, le pataras est redoutablement efficace). Et garder du creux en bas pour la puissance.[/blockquote]

Le réglage de la corne est donc exigeant. Et primordial ! D’où la pantoire réglable dans le tout petit temps, pour la faire ouvrir, et le hâle-bas 12 brins, pour la retenir dans le médium.

Non mais, à l’Eau, quoi…

Personnellement, je n’utilise aucun instrument en régate, en dehors du chronomètre. Pas d’électronique, ni même un compas. Je n’en ai jamais eu sur aucun de mes bateaux. Je préfère regarder le plan d’eau… Néanmoins, cela peut-être opportun de s’équiper d’un speedo GPS capable de calculer une VMG sur un point mis en mémoire, pour l’entrainement. En effet, il pourra permettre de trouver et marquer les réglages sur les écoutes, et de déterminer les angles optimums de monter et de descente. Mais cela reste théorique, car en régate en flotte, on a parfois besoin de plus de cap, ou de vitesse, en fonction du placement des bateaux autour…

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Un bateau qui marche est un bateau qu’on fait marcher… D’abord, un micro, ça n’est pas un habitable (même si j’ai à bord un évier, des équipets, et la lumière électrique…). C’est un dériveur. Beaucoup d’équipage, en micro, naviguent comme sur un plus gros. Or, nos caractéristiques de longueur et de déplacement nous rapproche de la voile légère. D’abord, un bateau, ça navigue à plat. Les appendices, le plan de voilure, la carène, tout a été dessiné pour naviguer à plat. Sauf dans le tout petit-tout-petit-temps, lorsqu’il faut mettre les voiles en formes. Sinon, à plat. Les tests en VMG sont tout à fait indiscutables en la matière.

Puis, il faut privilégier la vitesse. La portance des appendices augmente de façon spectaculaire avec la vitesse. Pour vous en convaincre, faites des simulations avec le logiciel FoilSim III de la Nasa. « Pour faire du cap, il ne faut pas en faire », telle est ma devise. Bateau à plat, ajouter à la vitesse, augmente les performances au près de façon appréciable.

Au portant, Je n’ai pas de certitude, si ce n’est l’impression que la contre-gite a du bon, au moins plein vent arrière. Sur le Jumper, 10° de contre-gite permettent de réduire au maximum la surface mouillée, à voir sur les autres bateaux.

Mais je constate que nos résultats sont avant tout liés à la qualité de nos départs. J’ai toujours tendance à me placer très tôt. Trop tôt. Certains équipages, comme Kumpelka, se placent tard, et ça marche. Je vais probablement essayer de forcer ma nature à l’avenir. Ensuite, il faut travailler le placement. La pratique du Match Race est éclairante en la matière. Elle apprend à se placer au mieux pour se débarrasser d’un adversaire, même légèrement plus rapide. En ce qui me concerne, j’adore la position favorable sous le vent. On me verra souvent virer sur les tribords, au lieu de croiser. C’est imparable. En Micro, le virement n’est pas très pénalisant en terme de vitesse, grâce à la bascule. Je n’hésite donc jamais à me replacer, même de quelques dizaines de mètres, par rapport à un adversaire. En effet, ces 50 mètres peuvent permettre de toucher une pression un peu avant, on de faire un décalage, en cas d’adonnante à venir, par exemple. Je pense que le meilleur entrainement, c’est la régate. C’est dans la confrontation que l’on progresse, y compris sur des régates de club, où il y a toujours un bateau pour se comparer.

[blockquote size= »full » align= »left » byline= »Philippe Benaben »]Il faut être dessus tout le temps ! D’abord, il faut être toujours « hors du bateau » à chercher à comprendre le plan d’eau et le vent, à se positionner par rapport aux adversaires, à anticiper ce qui va arriver. Nos régates se passent sur des plans d’eau « tordu », où tout change tout le temps. De plus nos bateaux sont très manœuvrant, il y a un vrai gain à chercher à se dégager, se placer par rapport à la flotte, anticiper le placement à la bouée et les positions ne sont jamais définitives. Pour lever le nez de son bateau, il faut un bateau simple, pas d’électronique, être persuader dans sa tête que le bateau fait le bon cap et la bonne vitesse (et accessoirement avoir suffisamment l’habitude du bateau et de l’équipage pour que se soit vrai). Les échanges au sein de l’équipage sur la tactique et la stratégie sont important, 3 cerveaux sont souvent utiles pour trouver la bonne solution !
Ensuite, il faut être toujours sur les écoutes. Ça n’est pas parce que le plan de pont est simple qu’il n’y a rien à faire. Sur mon bateau, on ne règle que les écoutes et le cunningham de Foc (+ accessoirement le hale-bas de bôme au portant). Mais on les règles tout le temps, plus le placement de l’équipage pour être à plat. C’est pareil pour les transitions (passage de bouée, virement, empannage, risée, bascule, lof, abatée, …), il faut s’appliquer pour que le bateau avance toujours au plus vite alors que le vent varie constamment en force et en direction sur nos plans d’eau perturbés et que les autres concurrents nous perturbent.[/blockquote]

Alors ce bateau, il marche ?