National Micro dans la 4ème dimension

National Micro dans la 4ème dimension

© Sylvie MONTINTIN

Pour renouer avec le traditionnel National Micro, 32 concurrents s’étaient donnés rendez-vous à Vassivière pour la classique du Classic Tour Micro, la Porcelainorum. Mais les habitués à cette épreuve ne se doutaient pas de l’ampleur du décalage spatial qu’ils allaient vivre.

Certes, presque tous les concurrents connaissent déjà le village gaulois de la Ligue Nouvelle Atlantique, perché sur le plateau des Mille Vaches et rivalisant en Osiris avec les grands clubs côté mer. Chaque année, Port Crozat est prisé par tous les Micro, petit port dans une baie aux coteaux boisés, bordé d’une plage et jonché du camping des membres du Club. Quand au plan d’eau, la dentelle de ses côtes lui donne des airs de lacs de Gaspésie.

Loin des galeries marchandes et voies express, sous la coupole de ce Truman Show de 48h, le rendez-vous est donné dès le vendredi soir pour un échange de bonnes manières gargantuesques. Chacun y va de sa bouteille ou fromage local pour partager les saveurs régionales de chacun. Bleu des Pyrénées, Reblochon et Brie de Meaux dévoilent les origines des concurrents, comme les accents qui se délient avec les langues. La quatrième dimension spatiale se lie à l’ivresse de l’accueil de nos hôtes qui nous ouvrent les portes du club et fournissent les grillades pour nous réchauffer, la météo étant déplorable.

Samedi matin

Réveil sous une bruine intermittente, il ne fait pas chaud à 650m d’altitude. Quelques petites risées commencent à accrocher le plan d’eau, spectacle agrémenté de nuages bas qui s’accrochent sur le relief. Cliché difficile à saisir, mais la rare sensation que la nature a encore toute son expression. Mais aussi la nature humaine, il est temps de s’inscrire et de profiter de l’accueil de nos hôtes et du café chaud qui coule à flot. Les bateaux sont mis à l’eau, le vent s’est un peu levé, chassant la bruine, il est temps de passer aux choses sérieuses.

Les premiers équipages sur l’eau se réchauffent en enchaînant les manoeuvres. Virements bascules, empannages, passages de bouées se succèdent sans relâche, parfois sans annonce ou très lentement pour décomposer le mouvement. Les positions de chacun s’affinent et se synchronisent par des codes verbaux, tactiles, ou induits. 14h, c’est parti sur un programme de 3 manches à courir dans un vent modéré mais présent. L’esprit d’échange à terre fait place à l’esprit de compétition.

1ère Manche

Le vent est variable par zones de risées qu’il faut aller chercher. A ce petit jeu, la horde des proto profite de sa vitesse supérieure pour rejoindre au plus vite les zones ventées. Le relief proche du parcours déplace les concurrents dans des options pour certains défavorables, redonnant à chaque croisement un nouveau classement. Il y a trois remontées et deux descentes sous spi qui permettent à chacun de jouer au yoyo. Quand aux bouées, les regroupements des Micro leurs permettent de profiter du doux chant de noms d’oiseaux proférés par les concurrents en mal de place à la bouée. Sur la dernière remontée, Hurle vent contrôle Liberté II, talonné par Rellik, un Lucas à bouchains qui commence à tourner très sérieusement. Mais chaque erreur se paye cher et à l’approche de la ligne d’arrivée, Liberté II profite de l’inattention des prédécesseurs pour bénéficier d’une risée qui lui permet d’arriver en même temps sur la ligne. Dans la précipitation et subissant une réfutante, Hurle Vent force le passage à Liberté II et répare sa faute immédiatement, mais le vent lui faisant défaut dans la manoeuvre, il reste bloqué juste devant la ligne au bénéfice de Rellik qui arrive sur sa lancée. Quand aux deux premiers Flyer, Platypus et Ola, ils talonnent Speedy. Le match est serré et les esprits sont chauds, prêts à se contrôler, mais aussi à se respecter.

2ème Manche

Un gros nuage s’accroche derrière le port et nous amène du vent plus frais. Le secteur a tourné à gauche et nous changeons de décor, entre l’île de Vassivière et l’île aux Serpents, sur le grand axe. Platypus montre rapidement son avantage et tente de le conserver, talonné Kumpleka, Liberté II, Hurle Vent et MadMax. Le nuage arrive jusque nous et la pluie s’intensifie. Par ces bonnes options de contrôle, Platypus maintient son avance jusqu’à la dernière remontée, évitant les erreurs qui coûtent cher aux autres. A l’approche de la bouée d’arrivée, le vent faibli et les cartes sont redistribuées au jeu du premier qui va toucher une risée. MadMax choisit une option qui le remet dans la course à l’assaut de la ligne d’arrivée par la droite, mais c’est Liberté II qui arrive encore premier, suivi de MadMax, Platypus, Hurle Vent et Kumpelka. Encore une arrivée groupée et disputée jusqu’à la ligne. La pluie a cessé, mais refroidi les concurrents.

3ème Manche

Le vent tourne maintenant à droite et il faut à nouveau changer de paysage. Départ encore disputé, mais le timing est respecté. C’est au tour de Kumpelka de s’envoler devant, suivi en bataille serrée, Microbe, Platypus, Liberté II et El Diablo. Les Micro de série se réveillent sur cette manche, raccourcie par le Comité de Course, sentant l’arrivée de la pétole du soir. C’est Kumplelka qui l’emporte, suivi de Liberté II, qui a retrouvé un cap et une vitesse perdue depuis quelques régates. Microbe fait une belle 3ème place en Neptune, suivi par Platypus et El Diablo. Le vent commence à tomber et le Comité de course renvoie les concurrents à terre.

Et la quatrième dimension humaine transporte à nouveau les esprits compétiteurs en abeilles butineuses de l’apéro et des récits de chacun. S’en suit le repas des équipages où coule à flot les explications de chacun sur les bons bords de la journée, ou pas, finissant par des anecdotes et rires. En fin de repas, la table de ping pong remplace celle du repas et le digestif est servi traditionnellement : dégustation de Rhum Vieux et la Verveine locale. Les équipages fourbus rejoigne leur campement proche plus tôt que la veille.

 

Dimanche matin

Réveil sous une bruine persistante et pas un brun d’air. Le petit déjeuner offert par le club réchauffe les esprits mais le vent tarde à se lever. Après une double douche (celle pour aller à la douche et celle de la douche), nous sommes enfin prêt à en découdre. La revanche, c’est aujourd’hui ou jamais. Mais nous n’avions toujours pas compris ce qu’était cette quatrième dimension…

Le comité de Course s’échauffe. Première sortie sur l’eau pour revenir avec un aperçu, le vent devrait se lever. Une heure plus tard, le plan d’eau se rempli un peu par le Sud, bon signe, le deuxième repérage fait disparaître l’aperçu à terre et les concurrents se précipitent sur les pontons tel un départ des 24h du Mans. 30 minutes avant le départ, nous en profitons pour aller tester le coin le plus abrité pour y dénicher des éventuels ascenseurs. Un système rentre par le port, un autre par le Sud, il faudra bien danser les évents et les adonnantes. De l’autre côté, à droite, en haut du parcours, l’île au serpent n’a pas l’air favorable car trop déventée. La stratégie est faite : en bas à gauche, mais pas trop et en haut à droite, mais pas trop. Stratégie qu’il faudra remettre en question lors des remontées, mais nous avons déjà une idée d’où il ne faudra pas passer. Nous repartons sous spi vers la ligne de départ, le pavillon orange devrait pointer son nez. Nous profitons de cette descente pour admirer les nuages accrochés au relief qui nous entoure et le petit vent qui se lève devrait chasser cette légère brume.

Et c’est à ce moment là que nous avons découvert une quatrième dimension de navigation. Le Truman Show se referme brusquement sur nous. Alors que le vent se lève doucement, une nappe blanche s’étale dans le port. Je pense dans un premier temps à de la pétole, mais le nuage nous rattrape et nous englouti sous spi. Devant nous, un peu plus loin, le Comité de Course disparaît dans la nuée, puis réapparait une fois sur la ligne de départ. Le vent persiste, mais ne chasse pas la brume, au contraire, la visibilité est réduite à 30 m. Impossible au Comité de nommer un départ alors que le parcours est mouillé. Nous patientons une heure en papotant dans l’épais brouillard, nous perdant parfois dans nos discussion et sur le plan d’eau. Un sous marin surgit tout à coup devant nous et nous arrivons sur l’île et son musée d’art moderne… Il est alors temps de tendre l’oreille pour repérer la position de la ligne de départ et rejoindre les autres concurrents.

 

Conditions désespérées

Le vent est là, mais le départ est impossible et la collision entre les bateaux en couse est à envisagée. Le nuage ne désépaissie pas et le Comité nous renvoie à terre définitivement. Aidé par la corne de brume émise au port, nous nous dirigeons à l’aveuglette vers le salut. Un petit jeu qui devient intéressant, essayant de deviner les surpression et les adonnantes et refusantes. Nous évitons de faire trop de virements pour ne pas trop nous désorienté, car les repères ne sont que sonores et la boussole de la tête s’affole. Nous parvenons au bouée de la dog leg entre l’île au serpents, la côte et le port et nous décidons de tricher pour nous repérer. En effet, une crête plus clair surgit en face de nous et nous ne sommes plus très loin du bord. Tout devient plus clair avec Google Map et nous retrouvons les pontons guidés par l’image satellite.

La course est finie

Chacun range son bateau. Les résultats du National Micro sont proclamés en présence du président de la Ligue Nouvelle Atlantique. Il est temps de remettre le trophée Mallego. Ancien président de la MicroClass France, Roger Mallego permettra au Micro de passer de l’euphorie de la plaisance des années 70-80 à sa position dominante sur les plans d’eau intérieur aujourd’hui. Ce trophée a été conçu par les membres de la MicroClass France et en particulier Jérémy Sanz : un sage mélange de bricolage, usinage, menuisage, mélange de bois des origines et de composites de demain. Robert Humbert, fervent pratiquant du Micro depuis plus de 30 ans, a dominé la course avec Liberté II et reçoit le trophée Mallego. Quand aux équipiers, ils reçoivent chacun une demi coques de Micro en chocolat, créé par une ancienne du Micro, Brigitte Humbert.

Résultats

  • 1er : Liberté II (Proto Lucas)
  • 2ème et 1er Croiseur : Platypus (Flyer)
  • 3ème : Hurle Vent (Proto L’Arté)
  • 4ème : Kumpelka (Proto Lucas)
  • 5ème : MadMax (Proto Europa 2)
  • 6ème et 2ème Croiseur : Ola (Flyer)
  • 7ème : Rellik (Proto Lucas en bois)
  • 8ème et 1er Régate : Microbe (Neptune)
  • 9ème et 3ème Croiseur : El Diablo (Flyer)
  • 10ème : Briska III (Proto Lucas)

32 classés.

National Neptune

Se courait aussi le National Neptune avec 6 concurrents :

  • 1er : Microbe
  • 2ème : Belle Valentine
  • 3ème : Inti

Accueil parfait

Et comment finir sans remercier le club organisateur, le CN Vassivière, qui chaque année nous accueille chaleureusement. Jean-Louis Mattei, tel un missionnaire au cours de la saison du TDF Micro, qui nous fait saliver pour que l’on revienne. Régis Duperrier, chef d’orchestre d’une organisation menée à la baguette et enchainée sans répit sur les deux jours. Et surtout tous ces bénévoles de l’ombre qui nous traitent au petits oignons et nous donnent l’impression d’être à la maison. Café, chargeur de téléphone, objets perdus, et autres demandes exotiques sont exaucées dans l’instant. Et si vous cassez un roulement, une horde de mécaniciens du club se précipitent sur votre remorque pour que vous puissiez repartir au plus vite….

Photos : © Sylvie MONTINTIN

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